Maison européenne de la photographie

à deux avec Antonin.

J’ai bien craint de ne pas pouvoir entrer pour la 3° fois ; le gardien nous a demandé de revenir « dans une demi-heure » lorsque nous nous sommes présentés à 11:30 (ca ouvre à 11:00). Et ca a marché : nous avons pu enter après 20 minutes d’attente.

Au total, rien de jubilatoire ni de très beau : la photo de qualité s’oriente plutôt vers une recherche du vrai que du beau.

5 photographes étaient exposés :

BRUNO BARBEY – PASSAGES

Depuis près d’un demi-siècle, Bruno Barbey parcourt le monde et a su imprimer sa marque entre recherche artistique et témoignage au sein de l’agence Magnum. Il fuit le scoop, mais ne manque jamais un rendez-vous avec l’Histoire. Son œuvre est un travail de la juste distance, il embrasse les évènements avec humanité. Homme de rencontres, toujours ouvert à l’inconnu, ses photographies se font l’écho de ces rencontres et dessinent la trajectoire unique d’un photographe explorateur et poète, à travers un demi-siècle d’Histoire. L’exposition « Passages » à la MEP présente 55 ans de photographie et 150 tirages N&B et couleur de Bruno Barbey. Une rétrospective qui témoigne d’un double parcours, entre son travail d’auteur et son désir de témoigner sur notre époque.

« D’une facture apparemment classique, l’œuvre de Bruno Barbey occupe dans l’histoire récente de la photographie, une place à part. Très largement diffusé dans la presse et les magazines les plus emblématiques (Du, Camera, Time, Newsweek, Stern…), son travail est pourtant trop souvent éclipsé par son célèbre reportage en N&B sur les Italiens, réalisé à ses débuts dans la première moitié des années 60, ainsi que par les admirables images en couleur de son Maroc natal.
Or que ce soit dans le photojournalisme, dans l’utilisation de la couleur, ou dans l’approche photographique singulière qui le caractérise, Bruno Barbey fait figure de précurseur.
Face aux grands événements qui ont secoué la seconde moitié du 20ème siècle, il semble par instinct avoir toujours été là au bon moment et avant tout le monde.
Il couvre la guerre des 6 Jours en 1967, les événements de Mai 68, le Vietnam en 1971, la Chine pendant la révolution culturelle. Il est au Cambodge quand Phnom Penh est encerclé par les Khmers rouges en 1973, ou encore en Pologne au tout début de Solidarnosc.
Il photographie le Shah d’Iran, l’Imam Khomeini, Salvador Allende, Yasser Arafat, ou encore l’investiture de Barack Obama en janvier 2009. Il ne cesse de parcourir le monde de l’URSS à l’Afrique, des Etats Unis au Japon, de l’Asie à l’Amérique Latine. Il en rapporte une moisson d’images qui font l’objet de nombreuses publications, préfacées par les auteurs les plus illustres : Tahar Ben Jelloun, J.M.G Le Clézio, ou encore Jean Genet qui, à son retour de Palestine, accepte de rédiger un texte qui fera scandale sur ses photographies.

Photographe de l’agence Magnum, coopté dès l’âge de 25ans, Bruno Barbey se défend d’être un photoreporter de guerre : “Je refuse l’esthétique de la folie ou de l’horreur”, écrit-il en exergue d’un de ses livres. Comme le souligne Annick Cojean : “c’est un photographe au long cours, plutôt qu’un baroudeur”.

En fait il est là avant ou après, ni trop loin, ni trop près. Il ne cherche pas le “scoop” et rien n’est plus éloigné de son éthique, que le “coup” si cher aux photojournalistes d’aujourd’hui. Et « s’il y a des rendez-vous avec l’Histoire qu’il ne faut pas rater », il préfère de beaucoup les rendez-vous amoureux avec la vie.
C’est ainsi qu’il a découvert le Brésil en 1966 à la demande d’Edmonde Charles Roux, alors Rédactrice en chef de Vogue. Il devait y rester quinze jours, il y est resté trois mois.

Il utilise pour la première fois un film couleur : le kodachrome 2. C’est nouveau à l’époque et inhabituel. À la couleur souvent mal reproduite dans les magazines, la plupart des photographes d’agence, à l’exception d’Ernst Haas, préfèrent en effet le noir et blanc. Mais contrairement à une minorité de pionniers, comme Stephen Shore, William Eggleston, ou Joel Meyerowitz, tournés vers une exploitation systématique des possibilités esthétiques de ces nouveaux procédés, Bruno Barbey retrouvant au Brésil les fortes couleurs contrastées des rives méditerranéennes, s’emploie simplement à retranscrire le plus naturellement possible le réel, sans excès, ni enluminures. Consubstantielle à sa manière de voir, la couleur, qui devient alors une composante majeure de son œuvre, n’est pas un substitut pictural. C’est une réalité photographique avec laquelle on doit désormais composer.

C’est en ce sens que Bruno Barbey est novateur. Il traverse la deuxième moitié du siècle en parfaite osmose avec son évolution.

Revenant toujours sur les lieux de ses premiers reportages, parfois dix ou quinze ans après, il saisit un monde en marche. Comme l’écrit Carole Naggar : « Chez lui, plus que capture de l’instant, la photo- graphie se fait souvent travail de mémoire ». Avec la discrétion et l’élégance qui le caractérisent, Bruno Barbey a toujours su tenir la bonne distance et garder un juste regard. C’est en cela que son approche visuelle est éminemment contemporaine. Si « c’est poétiquement », comme le dit le poète, « que l’homme habite sur cette terre », c’est photographiquement en tout cas, que Bruno Barbey nous invite à la parcourir et à l’aimer. »

Jean-Luc Monterosso
Directeur de la Maison Européenne de la Photographie

STÉPHANE COUTURIER

L’exposition consacrée à Stéphane Couturier à la MEP s’articule en trois chapitres, présentant son travail depuis la fin des années 1990 jusqu’à ses développements les plus récents.

Privilégiant un parcours chronologique, cette rétrospective s’attache à préciser les grandes étapes de la réflexion, autant technique que conceptuelle, de Stéphane Couturier autour du medium photographique.

Depuis ses débuts en argentique il s’est intéressé à la notion d’archéologie urbaine, fil conducteur de sa pratique qui interroge sous diverses formes les mutations des paysages qui nous environnent. Illustrant cette quête perpétuelle, une installation monumentale, mêlant photographie et vidéo, met notamment en scène son tout dernier travail sur les cités logements d’Alger.

« L’architecture et la ville, leurs apparitions et leurs mutations à travers le monde, sont au cœur des recherches de Stéphane Couturier. Si ses premières séries, Archéologies urbaines (1995-1998) et Monument(s) (1999-2002), privilégiaient une architecture et un urbanisme anonymes et révélaient leurs strates temporelles, les séries suivantes ont davantage mis l’accent sur des ensembles construits ex nihilo. D’abord des lotissements résidentiels au Mexique et aux États-Unis (Landscaping, 2001-2004), puis des villes réalisées par des architectes majeurs du 20e siècle : Chandigarh, dessinée par Le Corbusier (Melting Point – Chandigarh, 2006-2007), Brasilia, conçue par Lucio Costa et Oscar Niemeyer (Melting Point – Brasilia, 2007-2010). Le travail en cours sur la cité Climat de France d’Alger marque à la fois une continuité et une rupture avec ces deux dernières séries. Une continuité, car il porte sur un ensemble architectural et urbain, une véritable ville construite dans les années 1950, comme Chandigarh et Brasilia, par l’architecte Fernand Pouillon. Une rupture, car Stéphane Couturier renouvelle ici profondément son approche et ses méthodes, mêlant notamment photographie et vidéo.

Le soin que Stéphane Couturier accorde à l’environnement de la cité explique cette longue vidéo qui, réalisée dans une voiture entre Diar el-Mahçoul et Climat de France, deux des trois cités construites par Pouillon à Alger dans les années 1950, montre la ville actuelle et souligne la proximité de Climat de France avec son centre. Ce soin justifie aussi ces vidéos (la mer, un cimetière, une autre cité) qui, prises depuis Climat de France, indiquent le hors-champ de l’objet d’étude de Couturier, ou, plutôt, son contrechamp. Car, étant donné sa position surplombante et les perspectives ménagées par Pouillon, Climat de France, cet outil défectueux de pacification sociale, est en revanche un excellent outil de vision. Quand il dessine, Pouillon « pense à celui qui regarde par la baie de sa chambre et de son salon ». Ici, les portiques de la cour des Deux Cent Colonnes, la grande cour du bâtiment principal, découpent l’environnement et cadrent comme le font un appareil de photographie ou une caméra.

Si Climat de France regarde au loin, la cité est elle-même paradoxalement peu visible. Les vues larges présentées dans l’exposition ne doivent pas induire en erreur : elles sont prises de l’extérieur de la cité et font penser à ses vues d’avion dont Pouillon disait qu’elles détournaient les architectes du seul point de vue valable qui est celui du piéton : « Je travaille pour le piéton et non pour l’aviateur ». Or, à l’exception des contrechamps dégagés, le regard du piéton qu’est Stéphane Couturier se heurte à une architecture qui ne s’offre à lui, faute de recul, que sous la forme de fragments. Les photographies de façades qu’il a réalisées sont ainsi trompeuses : elles sont composées numériquement à partir de multiples prises de vue. Elles contrastent avec les fragments incrustés dans les moulures de l’Hôtel des Arts de Toulon qui prolongent à l’intérieur l’effet de collage obtenu à l’extérieur du centre d’art.

Cette perception fragmentaire est aussi due à la richesse et à la variété des détails qui parsèment les façades, apparemment uniformes, de Climat de France : les altérations de l’architecture, le linge qui pend aux fenêtres, les paraboles… À cet égard, les masquages opérés sur une des photographies jouent un rôle de révélateur : il s’agit bien d’une seule et même façade et non de détails épars réunis artificiellement. Si Climat de France ne peut être saisie que de manière fragmentaire, les fragments qui en sont livrés dans l’exposition invitent à une reconstitution mentale, la seule possible, de sa totalité. »

Étienne Hatt

MASSIMO BERRUTI

GAZA : EAU MIRACLE

Prix Photo AFD/Polka

Né en 1979 à Rome, ville où il réside. En 2003, après quelques cours de photographie, il abandonne la biologie pour approfondir la photo. Massimo commence à travailler comme photographe en Italie et en Europe de l’Est où il documente l’immigration et la crise industrielle. En 2014, il a remporté le Grand Prix AFD / Polka du meilleur projet de reportage photo pour « Drops. Water crisis in Gaza and the West Bank ».

L’eau, ressource des plus vitale, devient de plus en plus rare dans les pays du Moyen-Orient. Malgré l’aide apportée par la communauté internationale visant à résoudre les problèmes d’assainissement et de pénurie d’eau, les améliorations restent insuffisantes et une grande partie de la population demeure privée d’eau potable.

Cette situation précaire est encore aggravée par les conflits permanents qui entrainent la destruction quasi systématique des nouvelles infrastructures. En Juillet dernier, l’offensive militaire Israélienne « Protective Edge » provoqua des dégâts sans précédent. Les réseaux de distribution d’eau ainsi que les installations électriques, déjà vétustes, furent encore davantage endommagés. Plus grave encore, la destruction d’une partie des égouts eut pour effet d’envoyer les eaux usées dans les réseaux d’eau potable, mettant ainsi en péril la santé des palestiniens.

On estime qu’il faudrait près de deux ans pour réparer l’ensemble de des dégâts et rétablir une situation viable. « L’équation est simple », explique Guillaume Pierrehumbert, coordonnateur eau et habitat du CICR pour la bande de Gaza. « La pénurie d’électricité empêche l’eau d’être purifiée, évacuée, traitée ou désalinisée, et elle entrave l’approvisionnement des foyers, des hôpitaux et des commerces. L’eau manque un peu partout, et lorsqu’il y en a, elle est salée, souillée ou dangereuse à consommer. »

Aujourd’hui, la question de l’eau devient de plus en plus préoccupante, et pourrait devenir, dans un futur proche, l’un des facteurs principaux des conflits internationaux.

ANDREA & MAGDA
SINAI PARK

Andrea et Magda sont un duo de photographes franco-italien. Ils vivent et travaillent au Moyen-Orient depuis 2008, principalement en Palestine et en Égypte. Ils explorent les conséquences de la mondialisation sur les territoires et l’économie.

Le Sinaï a subi de plein fouet l’effet de la révolution Égyptienne : dans les villages hôteliers de la côte de la mer rouge, « Tahrir » est synonyme de catastrophe économique. Si l’Égypte parie massivement sur le secteur du tourisme dans le Sinaï, c’est la quasi-totalité de l’économie locale qui repose sur l’industrie touristique. Un pari risqué, car cette mono-économie est lourdement fragilisée à chaque séisme politique ayant un écho médiatique international. Les attaques terroristes survenues dans les années 2000, l’Intifada de la proche Palestine, la révolution Égyptienne, puis récemment l’émergence de groupes affiliés à Daesh au nord du Sinaï affectent la confiance des occidentaux, pilier principal des rouages du secteur.

Seul à Sharm el Sheikh, îlot de carton-pâte sous contrôle ultra-sécurisé, les tour-operators sont en nette reprise, misant sur les « package all-inclusive discount ». Les grosses chaines hôtelières se vantent de la reprise des réservations depuis l’élection du général Al Sissi, et les travailleurs hôteliers venus des quatre coins d’Égypte s’enorgueillissent d’un gouvernement qui exhibe ses atouts militaires en preuve de force. Dans le reste du Sud Sinaï, des carcasses d’hôtels fantômes, abandonnés ou jamais terminés, recouvrent toute la côte de Taba à Sharm el Sheikh. Les bédouins, population nomade indigène du Sinaï, subissent une politique de contrôle militaire sévère, et sont largement mis à l’écart de la manne touristique.

Le développement d’un tourisme gourmand mené par les investisseurs cairotes et les pays du Golfe a métamorphosé le territoire : une architecture d’ampleur démesurée, un environnement ravagé par la spéculation immobilière, une culture locale folklorisée, et un morcellement extrême des espaces sous haute surveillance militaire. Le Sinaï des palais de plâtre et des décors de mille et une nuits ressemble à un non-lieu, tel que l’ethnologue Marc Augé avait défini les lieux produits par la  mondialisation : un monde artificiel et naïf, détaché de la réalité locale et conforme à l’imaginaire d’un folklore standard et faussement rassurant.

 

BIENNALE DES PHOTOGRAPHES DU MONDE ARABE

Exposition présentée dans le cadre de la Première Biennale des Photographes du Monde Arabe, à l’initiative de l’Institut du Monde Arabe et de la Maison Européenne de la Photographie.

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